Publié le 13 avr. 2016 à 1:01
Encensé puis délaissé, symbole devenu industriel pomme de discorde, le 57 Métal, à Boulogne-Billancourt, s’offre une nouvelle jeunesse sous la houlette du célèbre architecte Dominique Perrault. Le 14 mars, ce dernier a dévoilé lors d’une réunion publique le projet de reconversion de cet ancien centre Renault : 37 000 mètres carrés mêlant espaces collectifs, verdure et bureaux en bordure de Seine, face à l’île Seguin. Ce projet a la particularité de préserver partiellement l’ancien bâtiment industriel, œuvre de l’architecte Claude Vasconi renforcée en 1984, qui vaut à son auteur le grand prix national d’architecture. Le 57 Métal, premier bâtiment de ce qui devrait être la nouvelle cité industrielle de Renault dans le plan Billancourt 2000, en est aujourd’hui l’unique témoignage, puisque Renault est finalement parti à Guyancourt. Restent ces halles de briques et de verre, coiffées d’une succession de sheds, ces toitures en dents de scie caractéristiques des usines. « Claude Vasconi, que je connaissais bien et que j’admirais, avait réalisé un chef-d’œuvre. Nous allons conserver la partie la plus significative de son œuvre, la façade bordant la Seine et un pan du bâtiment avec sa cascade de cabanons. Le reste sera détruit puis reconstruit dans le même esprit que les immeubles du quartier », explique aux « Échos » Dominique Perrault. Autrement dit, sans hauteurs excessives. Lancée par BNP Paribas Real Estate, propriétaire des lieux, la rénovation du bâtiment devrait s’engager rapidement. Le permis de construire pourrait être instruit d’ici la fin de l’année. Le plan local d’urbanisme (PLU) est en révision.
L’épilogue d’une saga interminable
Depuis 2010, date de la cession du site par Renault au gérant de fonds d’investissement britannique Europa Capital a annulé 75 millions d’euros, le sort du bâtiment n’avait cessé de diviser élus locaux, riverains, promoteurs et ayants droit de Claude Vasconi . En jeu : la démolition de l’édifice, conçue par Europa Capital, au profit d’un bâtiment plus imposant. « Les positions étaient très antagonistes. La Mairie ne voulait pas de ce projet de démolitionreconstruction, mais l’Etat n’était pas contre. Les riverains, eux, craignaient la « pollution visuelle », les hauteurs. Les héritiers de Claude Vasconi espèrent sauver le site. Enfin, Renault ne souhaitait pas une charge de dépollution trop lourde. C’était le blocage total », raconte le préfet honoraire Jean-Pierre Duport, nommé par le gouvernement pour dénouer le conflit qui s’envenime entre recours en justice, coups de théâtre et pétitions de personnalités. En quête de solutions, le médiateur cherche, dix-huit mois durant, un avenir à ce bâtiment hors norme. Il s’attelle notamment au problème délicat de la dépollution des sols – important en raison du passé industriel du site -, qui cristallise les angoisses, les produits étant jugés cancérigènes. A l’été 2015, la revente du bâtiment, rebaptisée Square Com, à BNP Paribas Real Estate contribue à débloquer les choses.
BNP, qui travaille déjà avec Dominique Perrault, demande à l’architecte de reprendre les choses en main. Un compromis est trouvé. Les études de dépollution seront assumées par BNP, une parcelle est cédée à la Ville pour un espace vert, et seule la moitié du bâtiment sera détruite. « Le 14 mars, 800 personnes étaient dans la salle et il n’y a pas eu de réaction très virulente. Nous sommes enfin parvenus au consensus autour d’un projet qui préserve l’esprit de Claude Vasconi », se félicite Jean-Pierre Duport. Un dénouement rendu possible par l’absence de classement du bâtiment, pourtant demandé. Et qui, de l’avis de Dominique Perrault, s’inscrit dans l’air du temps. « Désormais, nous, architectes, aurons sans doute plus de mètres carrés à réhabiliter qu’à construire. »